" Je ne sais pas vous, mais moi j’adore faire du tourisme en courant. T’arrives quelque part, l’endroit t’est totalement inconnu, tu laces tes runnings et tu découvres les lieux l’âme aventurière. Au hasard des chemins, au hasard des rues, tu te confrontes à la réalité de l’endroit, parfois c’est moche, parfois il n’y a rien à voir, mais parfois c’est la pépite touristique. L’instant unique et magnifique.. Le temps qui s’arrête dans un silence de contemplation. J’exagère à peine… En tout cas, c’est toujours enrichissant et ça donne un sentiment de liberté et de proximité tout particulier. Le rapport espace-temps est différent.
Bref, je vous conseille cette balade."
Vendredi matin, je prends la direction de Vannes.
J'espère ne rien avoir oublié.
Deux heures de route et à 10h00 me voilà garé à 200
mètres du village. J'évite le stress de la foule et je suis
tranquille pour récupérer mon dossard et les différents
cadeaux de bienvenue. Retour à la voiture pour me changer
et régler les derniers soucis vestimentaires. Un ultime
inventaire du camel-back et je pars rejoindre le car
qui va nous enmmener au port du Crouesty.
Dans deux heures, je vais me retrouver face à la
plus grande épreuve que j'ai jamais eue à affronter.
Croire que tout se passera bien est une hérésie.
Je vais souffrir, je vais avoir mal et je finirai à l'agonie.
Il est 11h00, et pratiquement tous les coureurs sont
déjà au taquet, en tenue, camel sur le dos, prêts à faire feu.
On devine une certaine tension sur les visages... ou alors
c'est déjà la chaleur qui commence à faire effet..
Nous sommes à 1 heure du départ, 87 kms en une
seule étape, à allure libre.
Le temps maximal de l’épreuve est fixé à 18 heures
(toutes pauses comprises), sous réserve d'avoir pointé aux
divers postes avant les heures de fermeture.
12h00, environ 900 coureurs prennent le départ
devant la capitainerie du port du Crouesty.
Du soleil mais aussi un peu de vent, un cocktail idéal
pour commencer notre balade et découvrir les alentours
du port Navalo.
1 ère étape : Le Crouesty - Port Neze : 18 kilomètres
Le compte à rebours est lancé, une musique entraînante
dont j’ignore le titre nous met dans l’ambiance puis c’est
le coup de corne de brume qui nous libère tous.
Le départ est comme d’habitude, marche au début,
puis de la course saccadée entre deux ralentissements
et une fois sur une portion plus large, il m’est enfin possible
de trouver un rythme conforme à ce que j’avais
programmé (8 km/h). Le peloton s'étire doucement. Nous
commençons par un tour du port puis une boucle autour
d'Arzon. Le rythme est lent car nous sommes souvent en file
indienne. Nous passons par les pointes de Penbert, Kerners
et Saint-Nicolas. Les sensations sont bonnes même
si la chaleur commence à me faire souffrir.
Puis c'est la traversée du village de Beninze
avant d'arriver à Port-Neze à 14h21' pour le premier pointage.
02h20'49" de course pour 18 kms.
2 ème étape : Port Neze - Sarzeau : 15 kilomètres
Le ravito, je mange et je bois (un peu trop vite) à l'abri
sous un barnum. Gâteaux sucrés, salés, morceaux de fruits,
boissons gazeuses ou eau plate… nous sont proposés par une
équipe de bénévoles aux petits soins.
Il fait chaud même très chaud.
J'ai pris le temps de vider entièrement ma poche à eau,
pour la remplir avec un litre et demi d'eau fraiche.
Je repars doucement après 30 mn de pause.
Le sac à dos peu à peu se cale et je pense aux frottements
qu’il va m’occasionner alors de temps à autres je le réajuste.
Il faut dire qu’avec 1,5l d’eau dans la poche et une bouteille
de 50 cl à la main, tout ça ajouté au matériel obligatoire
(frontale, élasto, réserve alimentaire, etc) ça fait du poids
à transporter. La route, puis les chemins et des portions
étroites nous font zigzaguer entre les maisons, puis
sur le bord de la côte, c’est très sympa, très joli, et le public
nombreux nous encourage, tout me donne l’impression
que ce Raid va être une belle fête, en tout cas tant que
la fatigue n'est pas installée.
Une donnée de plus à intégrer dans la course,
"boire souvent" l’hydratation sera un facteur décisif de réussite.
Les chemins côtiers sont forts agréables, mon regard se
pointe sur l’étendue d’eau, pour essayer de trouver
de la fraîcheur.
Je ressens une petite douleur
au talon droit et je me sens barbouillé.
04h30'49" de course pour 33 km. Moyenne 7,33
3 ème étape : Sarzeau - Noyalo : 21 kilomètres
Il est 16h45, deuxième ravito. Arrivée dans la salle
du "Patis", je me précipite sur l'eau fraiche. 2ème pointage
et un ravito chaud qui est le bienvenu, ça grouille de monde.
On est au km 33. Le poste de ravitaillement propose de
tout, je mange des pâtes chaudes au gruyère avec du jambon
blanc ainsi qu’un peu de riz au lait. Je m’assois, prends
mon temps pour manger, il ne faut pas refaire l'erreur
de tout à l'heure et repartir barbouillé.
Le plein de mon camel back, j'y ajoute les sticks énergétiques.
Après 45 minutes de pause et ce copieux repas je reprends
la route pour une étape de 16 bornes, la remise en route
est assez difficile. Mon GPS me confirme que je suis passé
en dessous de 8km/h, mais comme je me sens bien à cette
allure et les gars avec qui je navigue semblent eux-aussi
se plaire à cette allure. Nous taillons la route, et surtout
les chemins, parfois entre deux haies très étroites. Il fait
toujours aussi chaud et le soleil tape fort dans les portions
du circuit non ombragées. Nous rejoignons la pointe Duer
et ensuite nous entrons dans la réserve naturelle puis
des marais et les parcs à huitres. Ce passage marque un
tournant dans ma course. Jusqu’alors, la chevauchée
avait été tranquille sans véritables difficultés, mais
là progressivement, le parcours va devenir de plus
en plus technique.
Ma vitesse de croisière baisse, mais je ne m’en fais pas,
tous les voyants sont au vert à l'exception de mon talon.
Je fais une pause "marche" d’une vingtaine de secondes
tous les quarts d’heure afin de boire, grignotter un morceau
de barre énergétique et de récupérer un peu.
Non pas que je ne peux plus courir… mais j'ai des
difficultés à manger en courant.
Je passe St Armel et arrive le Hezo avec un poste de
pointage, dans la salle de l' Estran. Un point d’eau me
permet de remettre du frais dans ma poche à eau.
Je profite également pour me faire un petit massage au
talon avant de repartir au bout de 15 minutes. Après 5 kms
j'arrive au 4ème pointage et au ravito solide, sur le stade
de Noyalo. Ca fait du bien de s'asseoir, de manger et
de boire tranquillement. Il est 20h33'.
07h15' de course pour 54 km. Moyenne 7,5
4 ème étape : Noyalo - Séné : 14 kilomètres
Repus, je repars tranquillement après 30 minutes de pause,
il fait plutôt doux maintenant. Direction Séné qui sera
le dernier ravito avant Vannes.
Interdit de lâcher maintenant, il faut finir coûte que coûte.
De longs chemins qui n'en finissent pas.
Je rejoins quelques coureurs de temps en temps
et à chaque fois nous entamons la conversation.
On se remotive comme on peut, ça fait du bien.
Je poursuis mon chemin sur des routes et
des allées interminables, il commence même à bruiner.
Les km passent, je finis par trouver le temps long.
Ils sont passés où les trailers ?
Je ne vois plus personne… j’attends toujours
le ravitaillement… Quand on n’a plus la tête on a les jambes.
Je serre les dents, le talon me brûle, je cours sur la pointe
des pieds. Ma montre a rendu l'âme,
rien ne va plus. Je ne sais plus où j'en suis,
plus d'heure, plus de moyenne, plus de kilomètrage
et personne à l'horizon.
Je décide alors de débrancher mon cerveau et de me
laisser porter. J'essaie par tous les moyens de positiver.
Je vais fonctionner au mental, je sais que je suis blindé
de ce côté là. Le côté physique lui, commence à donner des
signes de faiblesse. Je continue, je quitte le chemin côtier
pour pénétrer dans un bois. Je vais devoir m'arrêter car
la nuit tombe il est 22h30 et je commence à ne plus voir
grand chose. Je m'arrête à côté d'un banc pour mettre
ma frontale et un gars arrive à ma hauteur en me demandant
si ça va, je le rassure, il repart et nous nous souhaitons
bon courage. Maintenant finis les paysages, je ne verrai
plus que le faisceau de ma lampe
Je commence à réellement souffrir, je baisse un peu
le régime et me focalise sur le prochain ravitaillement.
Je pense déjà au bon coca bien frais qui doit m’y attendre,
cette idée me rebooste. Les kilomètres s’accumulent
cahin-caha et je vois pointer la lueur du stade au loin.
23H34, j'arrive enfin à Séné
dans le gymnase du stade "Le Dref" où c'est l'effervescence,
je ressens tout de suite des frissons il va falloir que je me
réchauffe. Je trouve une couverture pour mettre sur mes
épaules. Même si je n'ai pas grand appétit je me force à
manger. Je me dirige ensuite vers les podologues,
j'ai droit à un massage et un strapping.
Il va falloir penser à repartir mais entre temps les
muscles ont refroidi, la remise en route sera sans doute
difficile. Il reste encore 21 kms avant l'arrivée.
10h15' de course pour 68 km. Moyenne 6,7
5ème étape : Séné - Vannes : 21 kilomètres
Après 45 minutes je repars.
La reprise de la course me met tout de suite dans l’ambiance,
il fait noir, les balises sont visibles avec les frontales,
mais il va falloir se méfier des racines et autres rochers
qui n’apparaissent plus en relief.
Il faut redoubler de vigilance.
Le 1er km est très pénible mes jambes me font souffrir.
Je me retrouve seul sans doute parce que certains
sont déjà repartis et d’autres ont préféré rester un peu
plus longtemps pour se reposer.
Les virages se succèdent, les montées, les descentes,
les racines, les rochers… la totale quoi.
Quelques moments de répit quand une partie sur route
se présente, ça permet de marcher et de se ravitailler en
n’étant plus sur le qui-vive. Le balisage est tellement bien
fait et si visible à l’avance que celui qui se trompe doit
vraiment manquer de lucidité.
Je longe à nouveau la côte, la fatigue est de plus en plus
prononcée et je pense à mon lit.
C’est un passage délicat de la course, il faut lutter
contre son horloge biologique, il va me falloir un peu de
temps pour balayer les symptômes du sommeil et cette
envie de m’allonger.
Je suis vraiment isolé, je ne vois plus personne,
chacun avance maintenant à son rythme bien défini
sur les sentiers.
Après un long chemin bordé d'arbres interminable je vois
enfin de la lumière, le dernier point de contrôle
"Por Anna", il est 00h58.
Je ne m'attarde pas, parce que les bancs sont les bienvenus
et peuvent donner envie d’y rester plus longtemps.
A ce moment, il reste 10 km environ et je n’ai pas envie
de trop perdre de temps car j’ai comme objectif de ne pas
mettre plus 12 h pour cette épreuve.
Je reconnais le coin, on approche de Vannes, je me dis que
ça se termine. Il me faut encore reprendre le chemin
côtier, je sais à peu près où je suis, ce qui me rassure.
Je n’ai plus trop la notion du temps, mais je sais
que je tiens le bon bout.
Je croise quelques fêtards qui m'encouragent, c'est
sympa, ils vont en boîte.
Je reconnais le parcours du Marathon de Vannes,
que l’on fait d’habitude, alors je me dis qu’il ne reste plus
grand-chose. Hélas, comme ma vitesse est moindre que
sur le marathon, il faudra compter beaucoup plus de
temps pour atteindre l’arrivée.
Je vois enfin l'entrée du port, maintenant, longer
le canal sur 1 km, c’est interminable ce chemin de halage
et ses lampadaires.
Et enfin sur ma gauche l'arche d'arrivée se rapproche,
quelques instants après je passe cette ligne tant convoitée.
Il est 03h29.
C'est la délivrance, l'arrivée sur le port, reste plus
qu'a en faire le tour, je suis content d'avoir réussi cette
nouvelle mission, je suis finisher 586 ème et j'ai bien
fini en remontant 30 places depuis le 50ème kilomètre.
Je suis bien cuit quand même.
Je sens monter en moi une grande émotion,
quand les bénévoles à l'arrivée, me félicitent en me remettant
le maillot de finisher.
Direction le stand de massage avant d'aller dans le
barnum pour me reposer et manger.
Je vais chercher mon plateau, j'avale mon jambon-pâtes
sans conviction. Une fille se met en face de moi elle n'en
peux plus, à voir son visage elle a dû en baver aussi,
le mien n'est certainement pas mieux.
Un message à ma chérie puis je vais dormir.
Pour terminer je voudrai remercier tous les bénévoles
que j'ai croisés pour leur gentillesse, leur disponibilité
et leur réconfort .
Voilà les amis, cette aventure Morbihannaise se termine,
une bien belle aventure, un parcours surprenant,
qui ne paie pas de mine sur le papier avec ces quelques
mètres de dénivelé, mais qui fait du mal.
Maintenant récup, je prends 3 semaines de repos complet,
mais dans ma tête des idées de fou germent déjà.
On ne se refait pas.
ésultats officiels :
Temps: 15h28'34"
11h58'47" de Course
586 ème sur 790
15 ème V3h sur 35
Moyenne 7,24 km/h
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Merci d'être venu passer un moment
avec moi et à bientôt pour la course
de Landudec « les 3 Ormes »